La cornemuse
La cornemuse est un instrument de musique très ancien, difficile à maitriser souvent associée aux musiques folkloriques
La cornemuse, un instrument très ancien à redécouvrir
Appelée aussi « musette », « gaïta » ou « duda », la cornemuse compte parmi les plus anciens instruments de musique au monde. Sa forme complexe pourrait la rendre peu intéressante et peu attirante. Pourtant, elle est capable de produire un son à la fois, doux, puissant et envoûtant qui pourrait vous transpercer l'âme.
Jouée seule ou en groupe, la cornemuse demeure un instrument complexe à dompter. Il faut maîtriser une certaine technique pour pouvoir la jouer. La musette est aussi traditionnellement associée aux amateurs de musique folklorique. Pourtant, elle trouve désormais sa place au sein des orchestres modernes.
Désireux d’en apprendre plus sur la cornemuse ? Cet article vous permet de la découvrir ou de la redécouvrir dans toute sa splendeur.
Les origines de la cornemuse
Sa provenance selon l’histoire
Les preuves archéologiques disponibles ne permettent pas d’identifier avec exactitude l’origine de la cornemuse. Mais tout semble indiquer qu'elle existe depuis environ 3000 ans avant J.-C. En revanche, le mystère concernant son lieu de naissance persiste. Les historiens ont en effet découvert des traces de ce dispositif musical dans différentes régions, très éloignées l’une de l’autre géographiquement.
Des fouilles archéologiques ont par exemple révélé que l’instrument pourrait provenir de l’Egypte antique. Les archéologues ont en effet découvert des représentations de chalumeaux doubles chez les Grecs et les Egyptiens. Ils sont considérés comme les ancêtres de la musette. L'utilisation de cette dernière remonte également à l’époque gréco-romaine. Les Grecs l’appelaient "askaulos" et les Romains l'ont nommé "tibia utricularis". Enfin, le poète comique d’Athènes, Aristophane, a aussi évoqué la cornemuse dans ses écrits. Comment est-elle arrivée en Europe, notamment en France ?
On suppose que les échanges commerciaux avec les Grecs et les Romains sont à l'origine de l'introduction de la cornemuse en Occident. Evidemment, il ne s'agit que d'une spéculation. Aucune preuve matérielle ne permet de la confirmer.
Le fait que la cornemuse existe en différentes variétés prouve qu'elle aurait pu émerger de différents endroits en même temps. Au début, elle était considérée comme un instrument pastoral. Puis au fil du temps, son répertoire s'est élargi. La duda avait sa place dans les fanfares militaires et dans l'air de cour.
Son origine écossaise
En dépit des investigations des historiens, les Ecossais revendiquent l’origine de la cornemuse. Elle est devenue un véritable symbole de l’Ecosse. Des preuves sur l’existence de cet appareil dans les îles britanniques existent bel et bien. Les célèbres contes de Canterbury de Chaucer en 1386 l'évoquaient également sous le terme anglais bagpipe.
Toutefois, les premières traces de la musette en Ecosse datent du XVI e siècle. Notons qu'elle est très attachée à l’histoire et à la culture écossaise. Au XVIIIe siècle, elle accompagnait les chefs des clans dans tous les grands événements, y compris les guerres. Les membres des régiments de Highlanders écossais de l’armée royale de l’Empire britannique ont intégré ce matériel musical dans leurs orchestres militaires.
Description de la cornemuse
C’est un instrument à vent ayant à peu près le même principe de fonctionnement que le hautbois. Il se compose de différents éléments :
Le sac ou soufflet
On a ici un réservoir conçu pour stocker l'air qui permet à la musette de produire du son. Cette sorte de poche est généralement fabriquée avec de la peau de :
- mouton,
- chèvre,
- de chien,
- d’animaux bovins.
La matière est travaillée soigneusement afin d’accroître l’étanchéité du réservoir. Les manufacturiers ayant utilisé du cuir de chèvre ont par exemple conservé les poils de la face intérieure de la peau d'animal. Ces derniers ont été coupés très courts et enduits de sel afin qu’ils puissent absorber l’humidité du souffle.
Si les fabricants servaient du cuir bovin ou ovin, ils appliquaient une préparation à base de poix sur la surface interne de la poche. Celle-ci est censée capturer la condensation provenant de l’insufflation buccale.
Actuellement, de nombreux manufacturiers se tournent vers des matériaux synthétiques, notamment le gore-tex. Ce choix s’avère être plus pratique. Ils installent un piège à l’humidité à l’intérieur du réservoir. Pourtant, le gore-tex a tendance à s’abîmer rapidement. Il favorise aussi l’accumulation de bactéries à l’intérieur du soufflet, ce qui peut exposer l’instrumentiste à diverses maladies respiratoires. Notons qu’il faut maintenir le réservoir gonflé. Ainsi, le musicien doit y insuffler de l’air via sa bouche ou à l’aide d’un soufflet.
Le chalumeau
Le chalumeau ou chanter en anglais fait partie des principaux composants de la musette. Il s'agit d’un élément de forme conique ou cylindrique situé sur la partie basse de l'ensemble. Le chanter peut comporter des trous comme une flûte. Il est alors baptisé tuyau mélodique. Le chanter non percé est en revanche appelé tuyau semi-mélodique ou bourdon.
Notons que le nombre de tuyaux peut varier d’un instrument à un autre. Certaines cornemuses comportent jusqu’à 5 chalumeaux. Accordés sur différentes clefs, ils permettent à l’instrumentiste de jouer une mélodie tout en réalisant des accords d’accompagnement.
L’anche
L’anche désigne une petite pièce qui équipe le chalumeau. Il s’agit d’une lamelle de roseau ou de métal qui va vibrer et produire du son. Cette pièce se décline en deux variétés :
L’anche simple
L’anche simple battante, comme celle équipant une clarinette ou un saxophone, est formée d’une section de roseau. Elle est fermée à une extrémité et fendue. La pièce est enfoncée à l’extrémité du chalumeau. Notons que la longueur et le diamètre de la lamelle vibrante définissent la hauteur du son produit. Il est possible de régler l’anche grâce à une bride en fil poissé.
L’anche double
L’anche double, similaire à celle équipant le hautbois, est formée de deux lamelles vibrantes. Ces dernières sont faites avec du roseau. Elles arborent une forme trapézoïdale et la partie la plus large est affinée ou grattée. L’anche double est placée sur un petit tube nommé canon, qui sera enfoncé au bout du tuyau mélodique. Les deux lamelles sont scellées à l’aide d’un fil de coton ou de lin.
Les anches les plus récentes possèdent une structure plus complexe. Elles sont munies d’une barrette de laiton nommée rasette ou Uilleann pipes. Cette dernière sert à régler la puissance sonore et la hauteur de son.
Les différentes variétés de musette
Puisque la cornemuse semble provenir de différents pays du monde, elle se décline en différentes variétés.
Le biniou breton
Originaire de la Bretagne, cette cornemuse est dotée d'un chalumeau mélodique à anche double. Le chanter conique est muni de 6 ou 7 trous de jeu et de deux trous d’accord. En général, le biniou kozh est accordé en Si bémol. Toutefois, certaines variétés de ce duda breton sont construites en Fa, Sol ou La.
Le biniou braz
Il s'agit d'une version française de la grande cornemuse écossaise. L’appareil a été importé en Bretagne au cours du XIXe siècle. Il s’adjuge de trois bourdons et est accordé en Si bémol.
La boha ou bohaossac
La boha est originaire de Gascogne. Elle est reconnaissable avec son sac en cuir de chèvre retournée. La face intérieure du soufflet comporte donc des poils coupés. La boha comporte un chalumeau mélodique à anche simple à l'aspect cylindrique. Ce dernier affiche 5 à 6 trous de jeu et une fente d’accord. Cette variété de cornemuse est aussi munie d’un bourdon mélodique ou chalumeau d’accompagnement comportant deux à trois trous.
La bodega ou craba
La bodega est une cornemuse de grande taille. Elle provient de la région du Languedoc et elle est formée :
- d’un réservoir en cuir de chèvre entière, ce qui explique son nom craba,
- d’un chalumeau mélodique
- d’un grand bourdon porté sur l’épaule.
La cabrette auvergnate
Il s’agit d’une petite cornemuse originaire de l'Auvergne. Elle est munie d’un chalumeau à anche double fabriqué avec du bois noble, comme l’ébène ou le palissandre. La cabrette comporte également un tuyau d’accompagnement appelé aussi petit bourdon ou chanterelle.
La chabrette
La chabrette vient s'ajouter sur la liste des variétés du duda. Elle comporte un chalumeau mélodique muni de plusieurs segments. Ce dernier est généralement doté d'une clef qui permet au musicien d'atteindre la sous-tonique avec son petit doigt.
La chabrette est aussi reconnaissable par son grand bourdon, qui a la particularité de posséder une perce en S. Son boîtier comporte également des ornements exceptionnels.
La Great Highland bagpipe écossaise
Appelée aussi pìob-mhòr engaélique écossais, la great Highland bagpipe est très attachée à l'histoire du débarquement de Normandie. Selon l'histoire, Lord Novat a demandé au cornemuseux Bill Millin de jouer du bagpipe pour encourager les soldats. Alors que les Allemands ont abattu tout le monde, le sonneur a miraculeusement survécu. A priori, un mitrailleur l'a épargné en le prenant pour un fou.
Les cornemuses du centre de la France
Elles ont une caractéristique commune, dont le fait qu'elles sont gonflées avec la bouche. Les cornemuses du centre de la France sont généralement équipées:
- d'un chalumeau mélodique muni de 7 trous dessus, deux trous en dessous et deux autres au niveau du pavillon,
- d'un grand bourdon porté sur l'épaule,
- d'un petit bourdon.
Fonctionnement de la cornemuse
La cornemuse se montre particulièrement complexe. Avant son utilisation, le musicien doit s'adonner à quelques préparations. Tout commence par l'installation de l'anche. Cet élément doit être bien positionné si vous voulez obtenir une meilleure sonorité et atteindre la hauteur de note souhaitée. Si la pièce est trop rigide, il faudra la mouiller un peu.
Puisque la musette est de la famille des aérophones, elle a donc besoin d'un grand apport d'air pour sonner. Ainsi, l'instrumentiste doit faire gonfler le réservoir. Un élément nommé clapet anti-retour permettant d'empêcher la fuite d'air est souvent présent. S'il est absent, il faut alors boucher le tube de soufflage avec la langue pendant l'inhalation.
Le nom de l'instrumentiste
Le nom attribué à la personne qui joue de la cornemuse varie d'un pays à l'autre. Il est baptisé:
- joueur, cornemuseur, cornemuseux ou sonneur en France,
- binaouer en Bretagne,
- piper en Irlande et en Grande-Bretagne,
- piobaire en gaëlique irlandais,
- gaiteiro au Portugal,
- gaitero en Espagne.
Le jeu
Le cornemuseur doit généralement se tenir debout puisque jouer de la cornemuse exige une grande capacité pulmonaire. Il doit insuffler une grande quantité d'air dans le sac. Le sonneur doit faire en sorte que le réservoir soit bien gonflé afin d'assurer la stabilité, la continuité et la puissance du son produit.
L'instrumentiste fait pression sur le soufflet à l'aide de son bras pour réguler la pression de l'air. Notons que celui-ci va passer à travers le tuyau mélodique pour atteindre l'anche et la faire vibrer.
Bien entendu, le sonneur se sert de ses doigts pour boucher les trous du chalumeau afin de jouer des notes. C'est un peu comme jouer de la flûte. Toutefois, il faut plus de précision et une certaine flexibilité au niveau du mouvement des doigts. Le joueur peut user de différentes techniques de doigté pour embellir la musique comme :
- le staccato,
- le trémolo,
- le glissando,
- le vibrato...etc.
La cornemuse peut être jouée en solo, avec une bombarde, une clarinette ou accordéon, ce qui est le cas dans le Centre de France. Il est aussi possible de l'utiliser pour la danse.
Le transport de la gaïta
La forme de la gaïta est complexe et le matériel est assez volumineux. Il faudra disposer d'un outil de portage adéquat au risque d'abîmer certains composants, notamment le chalumeau. Des sacs dédiés spécialement au transport de la cornemuse sont disponibles sur le marché.
Apprendre à jouer de la musette
L'apprentissage de la cornemuse se révèle être une opération très technique et souvent complexe. Découvrez comment procéder.
Se familiariser avec la gaïta
Un apprenti cornemuseur devrait commencer l'apprentissage avec un practice chanter. Il s'agit d'une sorte de flûte en bois ou en plastique, similaire au chanter. Le but consiste à mieux se familiariser avec le duda et son principe de fonctionnement.
Avec le practice, le sonneur va également découvrir les techniques de jeu les plus basiques. En effet, l'instrumentiste apprendra :
- à bien positionner ses doigts sur le chalumeau,
- comment souffler,
- comment maîtriser sa respiration pour obtenir un son continu et stable,
- comment utiliser la langue et les dents pour jouer une note aiguë...etc.
Après avoir acquis les connaissances de base, le cornemuseur peut s'entraîner avec une vraie gaïta. Bien entendu, il doit commencer par apprendre à bien la tenir. Voilà pourquoi, il est conseillé d'adopter une position assise au départ. Le joueur pourra alors placer la semelle du duda sur son genou ou sur une table, ce qui sera plus pratique.
Il faut maintenir l'avant bras droit afin de pouvoir bien réguler la pression sur le réservoir d'air. Le cornemuseux doit aussi tenir le chanter à une distance de 20 à 30 cm de son corps afin d'éviter la douleur au poignet. Enfin, l'instrumentiste doit adopter une position bien droite.
Les plus grandes difficultés à gérer
Le plus difficile avec la cornemuse, c'est la gestion de l'arrivée d'air. Il ne suffit pas de souffler dans le réservoir. Le sonneur doit apporter la bonne quantité d'air. Sinon, il ne pourra pas obtenir le son qu'il veut. Il doit donc bien travailler son souffle. Des exercices de respiration réguliers sont alors fortement recommandés.
En général, il faudra compter 25 secondes pour que le sac soit bien gonflé. Le cornemuseur doit en même temps s'assurer que l'air soit bien réparti entre les tuyaux. En cas de mauvaise pression, il risque d'obtenir une fausse note.
Le jeu de doigts se montre aussi très complexe surtout si le sonneur veut enrichir sa façon de jouer. Il faut poser les doigts délicatement sur les trous. Aucune crispation n'est acceptée. Le sonneur doit d'ailleurs comprendre qu'il doit bouger ses doigts et non son poignet. Or, maîtriser tout cela demande beaucoup de temps, de concentration et de persévérance. Le risque de fatigue et de douleur au poignet est élevé surtout si la position de départ n'est pas correcte.
Enfin, le cornemuseux est censé produire un son continu et stable avec son instrument. Toutefois, il doit jouer de manière détachée chaque note. Pour un débutant, le travail s'annonce particulièrement délicat. Il est primordial d'apprendre la notation de la cornemuse.
Les solutions pour apprendre la gaïta
Plusieurs solutions s'offrent à vous si vous voulez devenir un cornemuseur. L'option la plus adéquate est de s'adresser à un professeur compétent. Un guide professionnel vous est indispensable si vous voulez dompter un instrument aussi complexe que la gaïta. Une formation au conservatoire ou dans une école se présente comme un bon choix.
Toutefois, il est aussi possible d'engager un professeur privé. Les cours en ligne représentent une bonne alternative en cas de manque de temps. Ils vous permettent d'apprendre à jouer le duda à votre rythme et en fonction du temps disponible.
La cornemuse dans la culture et la vie sociale
La cornemuse n'est pas un outil musical banal. Elle représente une tradition, une communauté, une histoire et une culture. Son utilisation est souvent associée à un grand événement.
La star des festivals celtiques
La cornemuse constitue un symbole fort pour les Celtes. La musette donne ce ton festif qui accompagne la danse traditionnelle. Elle séduit la foule, l'attire et leur donne le sentiment d'appartenir à une communauté.
Un objet d'art populaire
La cornemuse fait partie des collections de nombreux musées nationaux. Il faut dire que la musette raconte des histoires. Elle témoigne le savoir-faire des artisans d'antan. Sa manufacture relève en effet d'un travail délicat.
La cornemuse est même devenue un emblème de la musique traditionnelle de nombreuses régions ou pays. Les luthiers et les maîtres sonneurs sont capables d'identifier son origine à travers sa forme.
Une star dans la culture populaire
La musette apparaît dans les films et les séries télévisées et elle est mentionnée dans de nombreux ouvrages. L'instrument est utilisé pour évoquer le côté romantique des highlands écossais ou bien pour symboliser une valeur culturelle.
Le célèbre romancier Cédric d'O'Kerville a par exemple mis en avant la musette dans son ouvrage intitulé "Tuac Mac Gulan, l'Appel des cornemuses". Elle constitue l'élément central de l'intrigue. L'écrivain a mis en exergue son côté envoûtant et sa puissance évocatrice.
Le chanteur renommé du groupe AC/DC, Bon Scott, a également décidé de jouer du duda dans la chanson intitulée "It's a long way to the top". Il a voulu ajouter une touche audacieuse et authentique au morceau et c'était un pari gagnant puisqu'il a connu un immense succès.
Publié le 21/08/2024 par Bertrand